Ils témoignent

Sûreté : vigilance accrue malgré une bonne année 2023

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François MORIZUR
Directeur Sûreté Groupe
3 min

En janvier dernier, alors que le MICA CENTER (Maritime, Information, Cooperation & Awareness), centre d'expertise français dédié à la sûreté maritime, venait de rendre son rapport d’activité, nous en avons profité pour faire un point sur l’année 2023 avec François Morizur, Directeur Sûreté Groupe, par ailleurs officier de réserve et donc contributeur régulier au MICA center. Interview.
 

PartnerSHIP : Quel bilan dressez-vous en termes de sûreté maritime pour l’année 2023 ?

François Morizur : Une année contrastée, avec à la fois un faible nombre d’incidents, notamment dans le Golfe de Guinée où nous opérons majoritairement, mais dans un contexte géopolitique qui demeure comme chacun sait extrêmement tendu, notamment en mer Noire. Pour la partie Amérique du Sud, situation très calme, avec par exemple aucun incident dans le Golfe du Mexique, zone qui avait été particulièrement touchée en 2022. En Asie en revanche, une centaine d’incidents, dont plus de la moitié dans le chenal de Singapour. Terminons par la zone Océan Indien : depuis l’attaque d’Israël par le Hamas, on note par ricochet une reprise très forte des actes de terrorisme maritime en mer Rouge et dans le golfe d’Aden, mais aussi une reprise assez étonnante des actes de piraterie par des groupes somaliens.
 

PS : Pourquoi la qualifiez-vous d’«étonnante » ?

F. M. : Parce que la piraterie maritime avait été éradiquée en Océan Indien depuis plus de 4 ans. La résurgence soudaine de la piraterie, à ce niveau d’intensité, et sur une très large zone est totalement inattendue. 
 

PS : BOURBON aura donc été plutôt épargné l’an passé…

F.M. : La majeure partie de nos activités se déroulent dans le golfe de Guinée, où l’on note un vrai apaisement en termes d’actes de piraterie. Nous bénéficions donc de l’amélioration de cet environnement sécuritaire. Nous n'avons ainsi été directement concernés que par 2 cas de vols sur des bateaux au mouillage à Luanda (Angola).
 

PS : Attribuez-vous ces bons résultats uniquement à un calme retrouvé dans cette zone, ou à une meilleure application des procédures ?

F. M. : Il est évident que le respect des procédures a un impact non négligeable. Je voudrais citer à ce sujet l’équipage de l’Anguun qui, opérant au Ghana, a été confronté à 2 reprises à des tentatives d’abordage par des voleurs au mouillage et ce à 2 jours d’intervalle. Ces tentatives de vols ont été déjouées car les approches des voleurs ont été détectées très rapidement par les équipes de quart qui ont pu déclencher l’alarme. La surveillance ISPS reste la clé : connaitre les modus operandi des voleurs locaux, être vigilant, assurer une veille dissuasive, réagir au plus tôt afin de déclencher les alertes et interdire ainsi l’abordage par les voleurs présumés.
 

PS : Quel sera votre plan d’action en 2024 ?

F. M. : 2023 aura été une année relativement calme pour nos opérations en terme de sûreté maritime. L’exception n’est pas la règle, nous ne bénéficierons probablement pas des mêmes conditions dans les prochaines années. Il faut donc rester attentif. De fait, on assiste actuellement à un accroissement de tensions régionales ou locales qui ont ou peuvent avoir un impact sur le domaine maritime : en mer de Chine, en mer Rouge et Océan Indien, au Guyana, en mer Noire… On constate également des foyers de tension très palpables lies à la situation politique et/ou a la situation socio-économique dans un certain nombre de pays où travaillent et vivent parfois nos collaborateurs, avec un risque de débordements ou d’instabilité politique. Ainsi, ces derniers mois, le Gabon puis le Sénégal ont été concernés par des crises politiques. D’autres frémissements apparaissent du fait des crises économiques latentes. Enfin, même, si la situation pouvait nous amener à baisser un peu la garde, nous devons rester attentifs à la situation dans le golfe de Guinée : le 1er janvier, un tanker y a été attaqué, au sud de Malabo, avec une prise d’otages de 9 membres d’équipage. Cela démontre bien que la capacité des pirates à agir est toujours là.
 

PS : Quel est votre message majeur cette année ?

F. M. : La sécurité de nos équipages passe par une bonne appréciation des risques, la mise en place de mesures préventives adaptées, l’application stricte des consignes, la préparation des équipages et des navires, le professionnalisme des personnels. L’environnement sécuritaire recouvre également, bien évidemment, l’ensemble de nos collaborateurs, marins, techniciens, commerciaux, sédentaires qui se déplacent sur l’ensemble de la planète, tout au long de l’année, dans des environnements changeants. Là aussi l’appréciation des risques et le respect collectif et individuel des règles générales et spécifiques doit nous guider. 

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